Approfondissement spirituel

Vous trouverez sur cette page quelques textes de prédications, d’études bibliques ; comme la page est assez longue, vous pouvez vous contenter de cliquer dans la troisième colonne sur le texte que vous voulez atteindre.

 

date circonstances nature du texte auteur
30/06/2013
fête paroissiale d’été
prédication (Esaïe, 61, 1 ;8-11)
Georges Heichelbech
2/12/2012 premier dimanche de l’Avent présentation de la Syrie pasteur Mathieu Busch
prédication (Luc, 1. 67-69) pasteur Mathieu Busch
23/11/2012 installation de Mmes Brahim et Suhr prédication (Éphésiens, 1. 18-23) pasteur Isabelle Gerber

C’est dans le cadre de notre fête paroissiale d’été au Mont Saint-Michel, au-dessus de Saint-Jean-Saverne que Georges Heichelbech, responsable national
de l’ACAT (Action des Chrétiens pour l’abolition de la torture)
a pris la parole pour cette prédication.

 

Frères et sœurs dans le Seigneur,Justice de Dieu et justice des hommes, droits de Dieu et droits de l’homme, foi chrétienne et droits de l’homme, voilà le thème qui nous rassemble aujourd’hui à l’occasion de cette fête paroissiale d’été. Et notre méditation est introduite par le passage du prophète Esaïe, dont je rappelle quelques éléments : « Le Seigneur m’a envoyé porter un joyeux message aux humiliés, panser ceux qui ont le cœur brisé, proclamer aux captifs l’évasion, aux prisonnier l’éblouissement. Le Seigneur aime le droit, il conclura une alliance perpétuelle, il m’a revêtu de l’habit du salut, il m’a drapé dans le manteau de la justice. »Il faut reconnaître que pendant longtemps les Églises se sont opposées aux droits de l’homme en rétorquant qu’ici-bas, l’homme n’a pas des droits mais des devoirs, et que les seuls droits qui importent sont ceux de Dieu. Le paysage a changé du tout au tout depuis une cinquantaine d’années – plus précisément depuis le concile Vatican II et l’évolution parallèle qui s’est produite dans le protestantisme. Les papes comme les membres du Conseil œcuménique des Églises multiplient les prises de position en faveur des droits de l’homme. Quelle prodigieuse rencontre que celle des droits de l’homme et de la religion du Dieu fait homme ! Les militants des droits de l’homme se réjouissent de voir les chrétiens rejoindre leur combat, assumer enfin toute l’étendue de leur solidarité et de jeter dans la balance la force de leur conviction. En retour, les chrétiens découvrent à ce contact un appel à renouveler leur foi. Dans un premier temps, ils se « convertissent » aux droits de l’homme par devoir de solidarité ; mais ils comprennent vite, au fil de leur engagement, que ce sont en fait les droits de l’homme qui les convertissent, qui leur font découvrir ou redécouvrir le christianisme.Ce n’est pas parce que nous sommes chrétiens que nous nous dévouons à la cause des droits de l’homme. Ce sont les droits de l’homme qui nous ont rendus chrétiens, qui nous ont fait découvrir ou redécouvrir le christianisme. Participer au combat pour les droits de l’homme, ce n’est pas, en soupirant, jeter un peu de son temps et de son argent dans l’océan de la douleur des hommes, mais au contraire faire éclater les limites de son existence, se trouver comblé grâce à des rencontres inoubliables.Lutter pour les droits de l’homme aujourd’hui, c’est inévitablement accueillir le témoignage douloureux d’hommes et de femmes. Découvrir, à travers leurs vies brisées, un Évangile en action, singulièrement jeune, efficace, « dépoussiéré ». Et comment en serait-il autrement ? Si la vie des pauvres reflète mieux l’Évangile que celle des gavés de la terre, c’est précisément parce que notre Dieu a voulu naître, vivre et mourir pauvre. Christ est né sous l’occupation, dans le quart monde, en échappant de peu au génocide. Il a été nomade, immigré, dissident, prisonnier d’opinion, condamné à mort et exécuté au poteau d’infamie.Dans la vie des Églises, les droits de l’homme sont prophétiques. Redoutable et salutaire cure de désintoxication idéologique : à travers leurs revendications, les Églises ont accepté que des non-croyants les bousculent, leur ouvrent les yeux, les arrachent à leur sommeil dogmatique. Elles ont accepté que des non-chrétiens leur fassent découvrir le souffle et le feu d’un Évangile planté au cœur des hommes.Le combat pour les droits de l’homme, qui n’est pas l’exclusivité des chrétiens, fait néanmoins partie intégrante de l’engagement du chrétien qui a son apport propre au combat pour la dignité humaine : ce combat doit pouvoir se nourrir non seulement d’une motivation humaniste commune, mais aussi de toutes les motivations spirituelles qui peuvent l’enrichir et lui donner force ; une vision authentique de la collaboration entre des mouvements d’approches diverses devrait se faire en approfondissant ensemble leur vision et leur compréhension de la dignité humaine.Passons maintenant au deuxième aspect de notre thème : justice de Dieu et justice des hommes. Nous avons souvent tendance à opposer la justice divine avec la justice humaine. A partir de cette distinction peu de choses sont possibles : la justice divine semble être un horizon indépassable sur lequel nous avons peu de prise et la justice humaine semble être purement contingente soumise aux aléas des hommes, des idéologies et des politiques. Peu importe que la justice des hommes soit imparfaite puisque la justice divine qui nous attend est parfaite. Pourtant pouvons-nous nous contenter de cette opposition un peu simpliste et peu satisfaisante pour ceux qui souffrent d’injustice ? La notion biblique de justice est surtout la qualité qui fait qu’un pouvoir ou un acte, sont conformes à ce que le droit, la coutume ou l’essence d’un être exigent.Pour l’Ancien Testament, le concept de justice est avant tout l’accomplissement d’une relation humaine. C’est pourquoi la justice est associée à deux termes fondamentaux qui sont la paix (Shalom) et l’alliance (Berith). La justice ne repose donc pas sur un ordre abstrait de l’univers, ni sur un corpus de lois qui définirait a priori l’idée d’une société juste.On peut traduire shalom par paix mais cela rend imparfaitement ce qu’est réellement le shalom dans la Bible. Nous pourrions dire que le shalom ce sont les choses telles qu’elles devraient être. Cela signifie que chacun peut et doit vivre dans un état de bien-être physique et matériel et en bonne relation avec l’autre. C’est aussi vivre dans un système de relation économique et politique juste.Toute société risque par là même d’être très inférieure aux idéaux de perfection. Une société ne peut être jugée uniquement sur ses principes mais devrait l’être aussi sur ses réalisations et concrètement comment les hommes et les femmes vivent entre eux ses principes de justice. Ce n’est pas sans raison que Jésus dénonce la logique de la loi et outrepasse la justice, bonne, des pharisiens. Car sans la miséricorde, la justice est une impasse, aussi utile et indispensable qu’elle soit. Ou bien « justice et vérité s’embrassent », ou bien ce monde n’est ni juste ni vrai. La justice des pharisiens, la logique des hommes de bien, des hommes de loi mène à la violence et à l’exclusion. On ne cesse de le voir. Sans la miséricorde, la vérité se mutile, parce que le frère ne peut la reconnaître qu’à être aimé.

Deuxième terme auquel est associé dans la Bible le terme de justice c’est celui de l’alliance. L’alliance est un traité qui engage les deux parties qui le signent. Dans l’histoire biblique l’alliance de Dieu avec son peuple est inaugurée par un acte de libération de la part de Dieu. Il libère le peuple d’Israël de l’esclavage en Égypte. Cet acte de libération a eu lieu à cause de l’amour de Dieu pour son peuple et non parce qu’il le méritait. Cet acte de libération est fondateur de l’engagement de Dieu pour son peuple. A partir de là, l’alliance qui l’implique va engager Dieu et son peuple dans une nouvelle relation. Et finalement toute la Bible n’est que la réactualisation de cet acte libérateur fondamental.

Autrement dit la justice de Dieu est avant tout événement historique dans l’histoire des hommes. Il n’existe pas quelque part dans le ciel un tribunal céleste, non il n’existe pas de lois et des codes immuables, non la justice de Dieu ne défend pas un ordre du monde parfait auquel les hommes devraient se soumettre. Le terme « justice de Dieu » apparaît aussi 8 fois dans la lettre aux Romains. La justification évoquée par Paul dans les premiers versets de l’épître aux Romains n’est pas une justice punitive mais comme une justice de paix, la justification c’est la libération du péché dans le but que toutes choses deviennent justes. La justification par la foi c’est la manifestation d’une justice qui restaure. La justice qui restaure, c’est celle qui guérit. Elle replace l’homme dans une juste relation avec les autres hommes, avec la société, avec la nature et avec Dieu. Dans le domaine pénal, nous pourrions dire que le délit, le crime, ce n’est pas d’abord l’infraction à une loi mais la rupture d’une relation. La justice ne doit pas d’abord condamner, punir mais essayer de restaurer cette relation brisée. Quand on fait mal, on ne fait pas mal d’abord à une loi mais à quelqu’un ou à la communauté. L’ordre moral immuable nous ramène au passé de la faute et il est parfois nécessaire de le faire, mais la justification (ou la restauration) nous permet d’envisager à nouveau l’avenir. C’est pourquoi, dans nos liturgies, le pardon fait suite à la confession du péché, le pardon de Dieu n’efface pas la faute, il oriente vers un avenir à nouveau possible. Amen

L’intervention du pasteur Busch, en ce premier dimanche de l’Avent était articulée en deux parties : une présentation de la Syrie, suivie de la prédication.

Présentation de la Syrie, « En ce temps-là »

Bonjour à tous, je vous remercie de votre invitation et de votre accueil en ce premier dimanche de l’Avent.

Dans un peu plus de quatre semaines, au culte, ou chez soi en famille, nous ouvrirons le Livre et nous nous réjouirons d’entendre à nouveau le récit de Noël. À force, depuis l’enfance, nous en connaissons chaque phrase, chaque mot…souvenez-vous…

« En ces temps-là parut un décret de César Auguste, en vue du recensement de toute la terre. Ce premier recensement eut lieu pendant que Quirinus était gouverneur … de Syrie. »

En ces temps-là, il y a deux mille ans, Saverne et Damas étaient voisines –oui tout à fait – voisines ! – ceux qui ne parlaient pas encore alsacien et ceux qui ne parlaient pas encore arabe pouvaient échanger des courriers en latin, au sein de l’empire romain.

En ces temps-là, encore bien avant, il y a plus de dix mille ans, entre l’Euphrate et la Méditerranée, entre le Tigre et le Golfe Persique, en Mésopotamie, ce fameux Croissant Fertile, notre humanité – oui nos ancêtres – ont inventé puis répandu l’agriculture, l’élevage, l’établissement des premiers grands villages, puis le développement de cités et de royaumes incroyablement organisés, à l’histoire bien plus longue que celle de France.

La Syrie, elle, était aux premiers postes de cette grande étape de notre Histoire.

En ces temps-là, l’écriture apparut et l’Homme put commencer à rédiger son histoire, ses croyances, sa comptabilité, et transmettre aux futures générations ses craintes et ses espérances.

Quelques siècles plus tard, sur le côte méditerranéenne dans la ville d’Ugarit en Syrie, le premier alphabet fut inventé. Il est l’ancêtre de celui qui nous permet d’écrire et de lire notre langue aujourd’hui (regardez le programme entre vos mains !)

Pendant des millénaires, en ces temps-là, la Syrie fut le théâtre de la gloire et de la chute de très nombreuses civilisations dont la Bible se fait quelquefois l’écho.

Avant le perse, le grec, le latin ou l’arabe ce fut l’araméen qui servit de langue de communication à tous ces empires. Aujourd’hui encore certains chrétiens de Syrie peuvent vous réciter le Notre Père en araméen, la langue maternelle du Christ.

En ces temps-là, au premier siècle de notre ère, c’est sur le chemin de Damas qu’un certain Saul rencontra le Christ, c’est à Damas qu’il fut baptisé et qu’il commença sa vie d’apôtre sous le nom de Paul.

C’est à Antioche en Syrie que les disciples de Jésus de Nazareth furent appelés Chrétiens pour la première fois. Quelques années plus tard c’est encore en Syrie que fut rédigé l’Évangile de Matthieu et que de nombreuses communautés chrétiennes allaient s’épanouir.

Au carrefour de l’Occident et de l’Orient la Syrie fut chrétienne, byzantine, orthodoxe, traversée par tous les courants théologiques chrétiens en conflit, puis après le 7ème siècle elle devint peu à peu musulmane et arabe.

En ces temps-là, la première grande dynastie musulmane, celle des Omeyyades, installa sa capitale à Damas et rayonna des frontières de l’Inde jusqu’au nord de l’Espagne.

Tout comme le Christianisme, l’Islam fleurissait dans les cœurs autant en Orient qu’en Occident. Contrairement aux idées reçues la plupart des gens se convertirent à l’Islam progressivement sans subir de persécutions armées. Le grand théologien arabe chrétien Jean de Damas, de son vrai nom Manssour ibn Sarjoun, pouvait critiquer fortement l’Islam tout en servant le calife comme ministre. De fait, aujourd’hui encore, les chrétiens ont droit de cité en Syrie : ils représentent une minorité importante répartie en onze Églises différentes.

En ces temps-là, au 12ème siècle, sans doute que des chevaliers de la région de Saverne participèrent aux croisades et aux innombrables batailles que se livraient, principalement en Syrie, depuis leurs places fortes, chrétiens et musulmans, « francs » et « turcs ». Malgré la guerre, des trêves eurent lieu, des rencontres et des découvertes se firent – peut-être même que certains guerriers savernois rapportèrent du savon d’Alep dans leurs bagages.

En ces temps-là, la Syrie, pour une très longue période, ne fut plus maître chez elle. Dominée par l’Égypte de Saladin puis par celle des esclaves guerriers – les Mamlouks – elle fut ensuite réduite pour quatre siècles à ne devenir qu’une simple province de l’empire turc ottoman. Au 19ème siècle des missionnaires protestantes partagent leur compréhension de l’Évangile et donnèrent naissance aux petites églises protestantes du Moyen-Orient. Minorité dans la minorité chrétienne, les protestants de langue arabe et arménienne vont rayonner à travers leurs œuvres sociales et leurs écoles de qualité.

Nous voilà au début du 20ème siècle. L’empire ottoman, entraîné dans la 1ère guerre mondiale, secoué par un nationalisme virulent, déclenche un génocide contre les minorités arméniennes et chrétiennes. Des réfugiés affluent à Alep, en Syrie.

Un Alsacien, Paul Berron, est témoin de leurs malheurs. En 1922 il décide de créer l’Action Chrétienne en Orient. En 1932 un premier centre d’entraide et de mission est créé à Alep en faveur des Arméniens : l’Église du Christ – Church of Christ.

Entre temps, trahissant leurs promesses à l’égard des Arabes, Anglais et Français se partagent le Moyen-Orient. La Syrie est soumise au mandat français jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale. De nombreuses révoltes ont lieu, la plus grande se produisant en 1925. Un général français n’hésite pas alors à bombarder Damas…Trente mille soldats sont envoyés pour rétablir l’ordre. Malgré cette histoire douloureuse des liens particuliers vont s’établir entre la Syrie et la France, liens qui perdurent encore aujourd’hui. À la fin de la seconde guerre mondiale, la Syrie devient indépendante et traverse la seconde moitié du 20ème siècle partagée entre développement, autoritarisme politique, guerre froide puis crise économique.

Aujourd’hui, la Syrie connait une des périodes les plus sombres de son histoire et les événements dramatiques qui s’y déroulent nous concernent. Car la Syrie n’est pas pour nous « terre inconnue ». Nous partageons avec elle tout un pan de l’histoire de l’humanité, nous vivons avec elle une grande part de la rencontre entre l’Occident et l’Orient ; de la Bible aux Croisades la Syrie fait partie de notre imaginaire…mais surtout, au-delà de tout cela nous sommes aujourd’hui en communion avec nos frères et sœurs syriens, chrétiens, protestants.

A Alep, l’Église du Christ, à la fois centre social et lieu d’Église, fonctionne toujours, malgré le conflit. Et nos sœurs et nos frères entrent là-bas, comme nous ici, dans le temps de l’Avent. Eux aussi sont en attente de la venue du Seigneur, eux peut-être davantage que nous…

Prédication ; Luc 1. 67-69

Le texte de prédication pour ce 1er dimanche de l’Avent se trouve dans l’Évangile de Luc au chapitre 1, les versets 67 à 69. Souvenez-vous, Zacharie, un prêtre, reçoit au Temple de Jérusalem la visite de l’ange Gabriel qui lui annonce que malgré sa vieillesse, sa femme Elisabeth concevra un enfant à la destinée toute particulière.

Zacharie émet quelques doutes et l’ange Gabriel le rend muet pour les neuf mois à venir. Elisabeth tombe enceinte et accouche d’un petit garçon qui sera nommé Jean et que l’on surnommera le Baptiste. Zacharie retrouve alors la parole et se met à bénir Dieu.

« Béni soit le Seigneur, le Dieu d’Israël, il a visité son peuple, il nous a procuré une pleine délivrance ».

C’est très étonnant, ce que nous raconte Zacharie, c’est très étonnant, déjà dans la forme ; il nous est dit qu’il prophétise – on attend des verbes au futur – mais ses propos sont conjugués au passé. Ensuite, sur le fond : Zacharie est heureux père d’un enfant alors que cela semblait impossible, mais ce qui est proclamé ce n’est pas la réjouissance d’une seule famille, mais c’est la délivrance de tout un peuple.

La naissance de Jean Baptiste est donc le signe que Dieu visite son peuple, que Dieu est sur le point d’intervenir :

Zacharie est en tellement convaincu que pour lui c’est comme si c’était fait alors même qu’apparemment la situation n’a pas changé.

En effet, au tournant du première siècle, la Palestine est gouvernée par un despote régnant par la terreur : Hérode dit « le Grand », lui-même dépendant de l’empire romain – véritable maître de la Syrie au sens large. Il y a des révoltes fréquentes mêlant motifs religieux et problèmes économiques ; des gens endettés, écrasés par l’impôt, se retrouvent à la rue ; le chômage augmente ; certains personnes tombent dans le banditisme ou dans un activisme politique radical ; les mêmes ou d’autres annoncent la venue du Royaume de Dieu ou d’un retour du Royaume d’Israël du temps de David – et ils sont prêts à se battre pour que cela advienne. Les révoltes sont écrasées dans le sang, les excités religieux sont éliminés mais cela ne résout rien. Soixante-six ans après la naissance de Jean-Baptiste, les romains devront raser Jérusalem pour imposer leur pouvoir. Il n’en reste aujourd’hui qu’un mur des lamentations.

Il y avait beaucoup de difficultés et de confusions dans la Palestine de Zacharie. Dans la Syrie d’aujourd’hui les choses sont encore plus complexes. Et pourtant nous avons là-bas des frères et des sœurs qui vivent tant bien que mal, qui espèrent, qui prient, qui attendent la visite de Dieu, des frères et des sœurs qui sont anxieux quant à l’avenir : peut-il naître dans ce vieux pays qu’est la Syrie quelque chose de nouveau et de lumineux?

Quand j’évoque la Syrie je pense immédiatement à une personne que j’ai eu l’occasion de rencontrer à plusieurs reprises, qui est devenu on peut dire un véritable ami. Il s’appelle Bchara Moussa Oghli.

Bchara est le pasteur qui s’occupe de l’Église du Christ – Church of Christ, ce premier poste créé par l’ACO il y a 80 ans pour venir en aide aux Arméniens réfugiés à Alep, la deuxième ville du pays. L’Église du Christ est aujourd’hui un lieu de témoignage et d’entraide tout à fait original en Syrie. Vous y trouvez une église où l’on célèbre des cultes chaque semaine, où l’on vit des activités paroissiales classiques, mais vous y trouvez également un dispensaire médical ouvert à tous et accessible financièrement où l’on propose des soins dentaires et gynécologiques, et enfin un cercle de réflexion où peuvent se rencontrer chrétiens et musulmans, riches et pauvres, arméniens d’origine et arabophones.

Ce lieu assez unique appartient maintenant à l’Union des Églises Évangéliques Arméniennes au Proche-Orient mais sans le soutien de l’ACO, dans la durée, et sans votre aide aujourd’hui dans cette situation de guerre, l’Église du Christ ne pourrait pas tenir. Bchara nous donne des nouvelles régulièrement par mail : pour l’instant tout fonctionne encore, l’entraide et les soins sont dispensés. Bien qu’Alep soit depuis l’été dernier un des centres névralgiques des combats, l’Église du Christ est heureusement, pour l’instant, située tout juste à la périphérie du front. Début octobre un obus est tout de même tombé à cinquante mètres et a fait six morts et dix-neuf blessés.

Je fais ici une parenthèse pour signaler que les dons de votre journée missionnaire iront à l’Église du Christ mais aussi aux paroissiens de Homs, vous savez cette autre ville importante – la troisième du pays – qui a subi et subi encore des combats extrêmement violents. Nous sommes là-bas en lien et en communion avec un autre membre important de l’ACO : le Synode Évangélique arabe de Syrie et de Liban. Les protestants de Homs que vous aiderez sont donc de langue arabe. Leur église a été détruite et la communauté se réunit maintenant dans les locaux d’une œuvre de la paroisse locale, une maison de retraite que nous avons également l’habitude de soutenir.

Je reviens à Bchara et à ses mails : Internet ne fonctionne pas toujours mais nous recevons de temps en temps des messages très courts – des messages assez étonnants, qu’il est difficile d’interpréter – un peu comme Zacharie qui mélange passé et avenir, qui proclame une espérance inouïe alors même qu’apparemment tout va mal.

Oui, ce matin, pour moi, Bachra ressemble à ce vieux Zacharie. Dans ses mails Bchara évoque dans une même phrase des affirmations très positives et des nouvelles très difficiles. Le mois dernier il pouvait ainsi nous apprendre que deux de ses amis se sont fait enlever, des responsables de la société biblique syrienne – et dans le même souffle Bchara nous affirme que son moral est excellent, que les gens sont pleins d’énergie, que dans son quartier tout le monde fait tout pour vivre normalement, que l’important est de pouvoir rester dans son pays –la Syrie – qu’il aime profondément, et qu’au final tout réside entre les mains de Dieu. Entretemps les deux personnes ont été relâchées et se portent bien – grâce à Dieu – hamdulillah comme on dit en arabe.

Comme Zacharie, Bchara est donc étonnant : il affirme que sa forte colère contre les événements lui donne de l’énergie positive pour agir et surtout pour penser clairement, et que malgré la tension nerveuse son sommeil est profond et réparateur. Ces contradictions sont assez troublantes : nous ne sommes pas à sa place mais nous nous posons des questions : va-t-il vraiment aussi bien qu’il l’affirme ? Son énergie est-elle celle du désespoir ou vient-elle d’ailleurs ? Bchara n’est qu’un homme en qui se mêle des sentiments paradoxaux et parfois confus ; pourtant il est un témoin pour nous ce matin.

Il est un témoin. En effet, il y a une expression qui revient souvent dans ses messages, une formule qu’il avait également utilisée lorsque nous nous sommes rencontrés au Liban, il y a un peu plus d’un an :

il me disait – il nous dit ce matin : « Je suis obstiné car je suis un chasseur d’espoir – je chasse, je traque l’espérance partout où je crois la trouver, je suis à l’affut du moindre signe positif, de tout ce qui peut porter ou annoncer la vie ». Face aux violences mortifères qui secouent son pays, Bchara nous dit sa résistance : malgré son impuissance il recherche tous les signes d’espérance.

Je crois qu’il n’y a pas meilleure expression pour qualifier ce que l’Avent et le temps de Noël peuvent faire naître en nous : une quête de l’espérance – être chasseur d’espoir.

Jean-Baptiste n’est pas le Christ mais il est reçu comme le signe qui annonce la bonne nouvelle de la venue du Fils de Dieu en notre monde, en notre vie. Jean-Baptiste est signe d’espérance car même si la nuit est sombre Noël est au bout du chemin.

Comme Zacharie et comme Bchara nous sommes invités, par l’Esprit-Saint, à proclamer que Dieu visite son peuple, qu’il est le Dieu qui vient apporter délivrance, espérance et amour, pour nous ici dans nos vie, pour nos amis là-bas, en Syrie.

 


 

Prédication d’Isabelle Gerber

Le 23 novembre 2012 en l’église protestante d’Ingwiller, lors du culte d’installation de Dorette BRAHIM dans le ministère d’inspecteur laïque, et Denise SUHR, dans ses fonctions de députée au consistoire supérieur, Isabelle Gerber, inspecteur ecclésiastique de Bouxwiller, a prononcé cette prédication.

Éphésiens 1.18-23

Quelle chance ! Oui, je l’affirme avec reconnaissance et conviction. Quelle chance avons-nous d’être croyants !

Dorette, Denise et beaucoup d’entre vous qui êtes présents aujourd’hui, vous avez un jour perçu de manière plus ou moins claire qu’il y avait autre chose. Qu’il y avait plus profond, plus grand à trouver dans l’existence que se brosser les dents, aller travailler et retourner se coucher.

Ce texte, à l’approche de l’hiver, est un condensé de vitamines.

Pour les gourmands et gourmets parmi nous, j’ose l’image de saveurs exquises à déguster sans modération, parce qu’elles nourrissent le sens que nous donnons à nos jours.

Paul demande à Dieu d’ouvrir les yeux de notre intelligence. Pas uniquement l’intelligence qui recouvre nos activités cérébrales, mais l’intelligence de toute notre personne. Il est fait appel à notre densité humaine ; toutes nos dimensions ; celle qui nous fait plisser les yeux de bonheur, ouvrir la main, serrer quelqu’un dans nos bras. C’est ainsi que nous pouvons recevoir l’espérance.

Les chrétiens ont cette chance de ne pas vivre la seule dimension du présent et du passé. Dieu leur ouvre une dimension appelée espérance. Elle ouvre les yeux de l’intérieur, de la profondeur. Certes nous ne vivons pas dans un autre monde que nos contemporains. Il n’y fait pas plus rose. Il y a des cancers, des divorces, des trahisons, de la violence.

Mais au fond, tout au fond, est déposé le trésor de la foi. Car c’est un trésor, une richesse où l’on peut puiser sans fin, c’est un trésor que de sentir, à la racine de notre personne, un lien indéfectible. Un élan premier qui dit oui à ce que je suis depuis toujours. Dieu est fidèle. Dieu est amour. Voilà le moteur, la force, venue du dehors, qui porte le croyant.

Dieu ne me lâchera pas, il ne lâchera pas le monde.

Nous ne passons pas notre vie, main dans la main avec Dieu, mais si moi je lâche, lui ne me lâchera pas.

Chaque culte, chaque bénédiction, chaque Notre Père est occasion de le rappeler.

Je me souviens aujourd’hui de ce lien, je me souviens que je ne suis pas à la tête de ma vie, seule, que je ne suis pas à la tête de l’église, seule.

Certes, nous avons une responsabilité dans la direction de notre existence et celle du monde, mais il y a quelqu’un au-dessus, plus haut, Celui qui habite totalement l’église alors que moi je n’en habite qu’un petit bout, de temps en temps.

« Le rituel, que nous ne comprenons pas, est facteur d’apaisement et libère du harcèlement du sens et de la tyrannie du rapport à soi. » Cette phrase n’a pas été écrite par un théologien, mais par Frédérique Ildefonse dans son livre (qui vient de sortir). Il y a des dieux de réflexion philosophique et sociologique sur les religions.

De l’extérieur, certains nous observent, nous les croyants, et constatent qu’il y a dans notre foi une force qui permet à l’humain de porter ses jours et ses projets différemment.

À travers nous, ils perçoivent la place, la puissance d’un Autre.

Dieu nous libère de nos obsessions narcissiques, de la pression à réussir tout seul notre existence. En s’attachant à nous, Dieu nous montre que l’autre est ce qui nous sauve de nous-mêmes et nous amène plus loin. L’homme ou la femme de notre vie, nos enfants, nos amis, nous le prouvent amplement au quotidien.

Merci à tous ceux qui mettent ce qu’ils sont au service de Celui qui veut la vraie vie pour chacun.

Merci au Dieu qui transcende ma petite histoire pour m’entraîner dans la sienne et m’ouvrir, à tous les étages de ma personne, à l’espérance.

Amen.